Une sculpture monumentale de l'artiste Barbara Chase-Riboud est à découvrir sur le plateau des collections du 15 octobre 2024 au 13 janvier 2025.
"Quand Un Nœud Est Dénoué, Un Dieu Est Libéré"
Sculpture de Barbara Chase-Riboud sur le plateau des Collections jusqu’au 13 janvier 2025
Contenu
à propos
Une exposition multi-musée
Avec Quand Un Nœud Est Dénoué, Un Dieu Est Libéré, pour la première fois, huit musées parisiens unissent leurs forces pour célébrer une artiste de son vivant et mettre en lumière sa relation au patrimoine. Barbara Chase-Riboud (née en 1939) crée des œuvres abstraites manifestant sa maîtrise de la mémoire, de l’histoire, de l’identité et de la monumentalité.
À travers une série d’installations, cette exposition multi-musée explore les façons dont les sculptures abstraites, les dessins et la poésie de Chase-Riboud dialoguent avec les collections permanentes de ces institutions parisiennes. Modelant, pliant et alliant de fines feuilles de cire composant des formes géométriques, ses sculptures en bronze sont réalisées selon la méthode de la fonte à la cire perdue. Depuis les sept dernières décennies, la pratique de l’artiste, au-delà des disciplines, remet en question les contradictions rigide/souple, minéral/vivant, masculin/féminin, occidental/non-occidental, stable/fluide, figuratif/abstrait, puissant/impuissant.
Le musée du quai Branly - Jacques Chirac remercie ses musées partenaires pour leur collaboration : le musée d’Orsay, le musée du Louvre, la Philharmonie de Paris, le musée Guimet, le Palais de Tokyo, le Palais de la Porte Dorée et le Centre Pompidou.
Commissariat général :
- Erin Jenoa Gilbert
- Donatien Grau, conseiller pour l'art contemporain, musée du Louvre.
La sculpture exposée
La sculpture Standing Black Woman / Black Tower de Barbara Chase-Riboud est exposée à l’entrée du plateau des Collections du musée jusqu’au 13 janvier 2025.
- Barbara Chase-Riboud (née en 1939)
- Standing Black Woman / Black Tower
- 1973
- Bronze, laine et cordage
- 280 x 70 x 50 cm
- Collection privée
Cette sculpture monumentale de Barbara Chase-Riboud est emblématique de sa technique à partir des années 1970 : des cordes rigides soutiennent un bronze souple, inversant les propriétés du métal et du tissu. Formant une tour, les deux matières entremêlées esquissent aussi un corps féminin puissant, hommage aux luttes des femmes noires auxquelles l’artiste a consacré une partie de son œuvre littéraire et plastique.
le poème "Africa Rising"
- Poème composé par Barbara Chase-Riboud, publié dans Everytime A Knot is Undone, A God is Released, 2014.
Et nous sommes venus de l’Oméga.
Issus de la matrice du monde nous sommes venus,
Tout plaisir de fête et d’amour oublié,
Toute rancune de fief et de guerre oubliée,
Toute joie de naissance et de circoncision oubliée.
Nous sommes venus, Corps-noirs : négatifs de lumière,
Parfaits absorbeurs de l’énergie rayonnante.
Nos corps noirs, seule marchandise qui se transporte elle-même,
Colonne de jaillissement vivifiante,
Tournoyant en danse tribale céleste,
Roulant et se diffusant en blastula géante qui s’épaissit,
S’enroulant elle-même en boule de feu d’une nouvelle planète.
Issus de l’Oméga, déchirant le cosmos
En une saison d’étoiles, nous sommes venus,
Grognant à travers les déserts, au-delà des pyramides de Koush,
Un paysage lunaire de montagnes et de sable noir,
De basalte et d’obsidienne, de biotite et de baryum,
De roche et de minerai, d’os noir et de soufre…
Issus de souterrains secrets, pavés de diamants et de mousse d’or,
Nous sommes arrivés dans l’enfer du Blanc fantomatique.
Nous sommes arrivés par une éclipse de soleil : la négation du temps.
Nos femmes – une nation de « Banshee »
Flouée de tout royaume ruiné et violé :
Zeïlah & Somalie, Galla & Abyssinie, Tigre & Shoah.
Passant les fleuves avec de l’eau à la taille :
Niger & Nil, Orange & Congo, Cubango & Kasaï…
Étirés en caravanes, nous sommes arrivés, collier étonné de
Perles noires comme un mille-pattes centenaire : un millier,
Un millier de milliers, un million ; trois, six, neuf, trente millions,
Répandus sur les badlands, portant la mort dans tous les cœurs
À travers des étendues glacées : le négatif de la Terre.
Arrachés de leurs racines comme des lys de belladone, nous sommes arrivés
Dans un gémissement sauvage, une absence de bruit étourdissante,
Foulant le sable chaud de l’Ogaden,
L’étendard rouge de l’esclavage masquant ciel, espérance et mémoire ;
Des phallus de granit marquant les tombes gisaient à la renverse,
Les doigts saisissant un soleil glacé en cyclone,
Tandis que le meurtre avançait…
Avance, meurtre, avance !
Des vautours sacrés piquent de la chair d’un blanc de squelette, tandis que
Les Dieux sont assis, muets et horrifiés, sur leurs
Hanches polies, silencieux et impuissants alors que nous souffrons sous
Une armure de sueur scintillante, traversant des forêts pétrifiées,
Nos bouches bourrées de galets pour qu’aucun cri ne s’échappe
De nos lèvres ensanglantées, repoussant à chaque pas par des nuées
D’insectes qui s’accrochent à la chair comme des sangsues amoureuses,
Sans être dérangés par nos mains enchaînées et nos cous tordus qui se balancent
Dans la malignité : le métal, huilé de larmes, grince silencieusement ; la masse muette
Chante au loin un verset d’enfant, étouffé par la
Poussière du désert qui glisse et brûle sous les pieds,
Aussi légère que du charbon de bois, aussi profonde que la genèse :
Avance, meurtre, avance !
Des orphelins ballottent, accrochés comme des singes, têtant les seins de leurs nourrices,
Les mères ayant été noyées dans leur placenta.
Des tribus de vierges hagardes foulent le rocher brûlant,
Pensant que cela sera leur seul travail*.
Des magiciens et des prêtres hébétés,
Frappés et alourdis par leurs fétiches,
Trébuchent les yeux bandés et enchaînés les uns aux autres, perfidement.
Des bouches vides se plaignent en vaines supplications…
Pourquoi Belshatsar n’est-il pas ici ?
Mais nous n’avons alors ni écriture ni murs…
Nos dieux outragés sifflent et grognent, portés sur des épaules d’ébène glissantes,
Leurs têtes divines rosissent encore dans le crépuscule.
La magie est vaincue. Plus jamais les Tribus
Ne se prosterneront devant Amon & Savé, Séto & Whoot, Legba & Ogoun.
Plus jamais la Nation ne boira le sperme brûlant des seigneurs de la guerre,
Car ils nous ont laissés, nous et nos dieux, tomber dans cette abomination.
Les poudres multicolores des rites
Se sont mélangées dans ce qui est fusion de toutes les couleurs : Noir.
Les rochers de notre douleur bloquent notre chemin comme le
Palmier de Shango, et le poids de la Négritude nous accable tous…
Dans l’éblouissement insolent de la plage de Harrar,
Une clameur collective affronte la mer maussade,
Ébranlant le python du continent
Comme les secousses de nos séismes
Nous repoussent vers l’Afrique et, en ce dernier moment,
Avec la mer et l’esclavage devant nous,
La Race, resplendissante en elle-même, se dissout et
Toutes les biographies deviennent Une.
* En français dans le texte (N.d.t.).