Coupe : calotte crânienne avec intérieur bronze
Restes humains
- Type d'objet : Restes humains
- Nom vernaculaire : kapala" (skt. ) "t'od-k'rag" (tib.)
- Géographie : Asie – Asie orientale – Chine – Xizang (région autonome)
- Culture : Asie – Tibétain
- Date : fin du 19e - début du 20e siècle
- Matériaux et techniques : Os humain, bronze, pierres semi précieuses.
- Dimensions et poids : 13,5 x 14,9 x 18,7 cm, 1228 g
- Ancienne affectation : Musée national des arts asiatiques - Guimet ; Précédente collection : Musée de l'Homme (Asie) ;
- Exposé : Non
- Numéro d'inventaire : 71.1943.27.280.1-3
Description
Crâne (1) scié du frontal à l'occipital et constituant une coupe. Sutures en partie apparentes du frontal et des pariétaux. Au niveau de l'occipital, la suture a disparu. Trou minuscule du sinciput mais nettement marqué, et traversant la paroi de part en part. Nervures ramifiées à l'intérieur du crâne, apparaissant en creux sur la surface de la paroi. Pas de séparation nettement marquée entre les deux hémisphères. Epaisseur moyenne des parois : 0,7 cm. Caractère poreux de ces dernières. L'intérieur du crâne a conservé sa couleur naturelle, ocre. L'extérieur en a été noirci. A l'intérieur du crâne vient s'emboîter de façon très ajustée une coupe. (2) de laiton noircie par l'usage et dont les bords sont rabattus pour protéger les parois obscures. Dimensions : 18 x 14 x 8 cm. Couvercle (3) de bronze dont l'intérieur est doré ; sa forme évoque celle d'un chapeau, dôme reposant sur des bords horizontaux. Motifs moulés sur l'ensemble du dôme et se composant d'un double "rdo-rge" aux branches entrecroisées étalées sur le sommet du dôme et de quatre divinités terribles ("dharmapala" en sanskrit, "tch'oetchong" en tibétain, = protecteurs de la doctrine) qui s'avancent en dansant. Corps robuste, visage défiguré par des grimaces avec un troisième oeil, dents proéminentes, cheveux hérissés qui s'étirent semblables à des flammes, vêtus d'une peau de tigre autour des reins, portant un diadème orné de têtes de morts aux bijoux nombreux. Chacune brandit une arme différente : "rdo-rge", massue en forme de squelette d'enfant, etc. L'une d'elle pourrait être Yama, dieu indien de la mort et roi des enfers, doté d'une tête de taureau, portant sur sa poitrine la roue de la vie. Petites pierres rouges et vertes sur le pourtour des bords et couvercle.Dimensions : 18,5 x 15 x 7 cm.
Usage
Objet rituel du bouddhisme tibétain et mongol. C'est cependant hors de la sphère de mansuétude du bouddhisme qu'il faut rechercher l'introduction d'objets rituels à base de matériaux humains. Laufer remarque que les premiers tibétains, par piété filiale, conservaient le crâne de leurs parents. Cette coutume semblait en rapport avec le mode de funérailles qui consiste à exposer le corps dépecé aux vautours ; par ailleurs, l'aspect "terrible" de l'emploi des crânes pour boire apparaît dans le culte de l'une des sectes de l'Inde, celle des "Aghori". La coutume qui consiste à faire d'un crâne un récipient serait, chez les tibétains, d'origine indienne. Lalou semble souscrire en partie à cette thèse en insistant sur l'influence du "bön", l'antique religion tibétaine et du tantrisme quant à l'emploi rituel de ces coupes. Ainsi initialement le bol d'Amithaba était une poterie. Il fut remplacé sous l'influence indienne par un crâne. Offrir un "kapala" (= coupe = crâne en skt.) à Amithaba devint un acte pieux qui attirait la bénédiction de la divinité sur le donateur. Plus tard, le crâne humain serait devenu réceptacle de boissons offerte aux dieux, d'abord sang ou "amrita", puis eau de safran ou vin. Historiquement on trouve l'utilisation d'un crâne comme coupe associée aux pratiques des serments. "La valeur rituelle du sang", écrit Lalou, "s'affirme dans la procédure des serments solennels. Dans un traité sino-tibétain, le sang de trois victimes animales fut mélangé et l'on s'en frotta les lèvres. Ces animaux remplacent les victimes humaines et le sang qui marque les lèvres est un rappel des sanglantes beuveries dans des coupes faites d'une calotte crânienne". On voit également apparaître l'emploi du "kapala" dans la vie de Ma Gcig comme accessoire nécessaire à une guérison magique. Aujourd'hui, l'utilisation de ces coupes dans les rites lamaïstes est importante ; dans les monastères cet objet figure sur l'autel, posé le plus souvent sur un support à 3 pieds (cf. 46.42.129). Il est utilisé dans bon nombre de cérémonies, par exemple celle du "banquet offert à l'assemblée de tous les dieux et de tous les démons". Le "kapala" est aussi l'un des attributs des moines errants ou des mystiques qui l'utilisent également au cours de leurs rites (cf. Tchoed). Le mode d'utilisation de ces coupes crâniennes n'est transmis par les gourous à leurs chelas qu'au fur et à mesure d'une longue initiation. Le choix des crânes humains comme objets de culte est régi par un certain nombre de lois qui sont consignées dans la traduction tibétaine d'un livre indien. 1.- la personnalité de celui auquel le crâne a appartenu rendre en ligne de compte. On attache ainsi beaucoup de prix, par exemple, à la sainteté, à l'érudition, à un rang social élevé ou à la sagesse. Il est à remarquer qu'à cet égard le choix de crânes devant servir à la confection des "damaru" est basé sur des critères différents. 2.- la couleur : le blanc et l'or sont les plus appréciées. L'un des crânes de la collection du Musée a été distingué par un visiteur tibétain pour être un "bon crâne", portant fortune à son propriétaire, du fait de sa couleur verte. 3. - la morphologie générale : on tient compte de l'épaisseur des parois, de l'absence de sutures (vieillard ?) ; des nervures internes que les tibétains appellent "arbres" ; des cavités diverses qu'ils appellent "fruits" ou "fleurs" ainsi que des trous au niveau du sinciput liés au "pho-wa", rite funéraire : le premier soin d'un lama assistant un mourant est de s'efforcer d'empêcher ce dernier de s'endormir, de s'évanouir ou de tomber dans le coma ; le lama lui signale les départs successifs des différentes "consciences" qui animaient les sens : celle de l'oeil, du nez, de la langue ; dans le corps, maintenant insensible, la pensée doit demeurer active et attentive au phénomène qui se produit : il s'agit de faire jaillir le "rnam-ces" hors de son enveloppe par le sommet du crâne car, s'il s'évadait par une autre voie son bien-être futur se trouverait gravement compromis ; le lama se recueille profondément, s'identifie avec celui qui expire et fait l'effort qu'aurait dû faire ce dernier pour provoquer l'ascension de "l'esprit" "rnam-ces" avec une violence telle qu'il provoque la fissure nécessaire pour lui livrer passage. Les trous du sinciput attestent que le rite du "pho wa" s'est accompli avec succès. On tient compte aussi, dans la sélection des calottes crâniennes des saillies que font les parois au niveau de la séparation des deux hémisphères. Enfin des qualités physiques, utilisées au cours de rites tantriques entrent également en considération. Une "crâniologie" religieuse s'est ainsi établie qui permet non seulement de sélectionner les crânes mais aussi d'analyser leur forme et de déterminer la "fortune" de celui auquel il a appartenu. D'après Pott, la fabrication des "Kapala" ne se fait plus depuis la fin du XIXème s. , si ce n'est pour les touristes. On leur a substitué, peu à peu, des "kapala" de laiton. (cf. 46.42.129). Dans l'iconographie tibétaine, le "kapala", apparaît fréquemment comme l'un des attributs de différentes divinités.