Les acquisitions en 2020

Contenu

En enrichissant ses collections, le musée enrichit le patrimoine national. Il partage avec un public toujours plus large, en France et à l'étranger, les trésors des civilisations et des arts extra-européens.

En raison de la pandémie et du confinement du 1er semestre de l'année, une seule commission des acquisitions s'est tenue en 2020. 1130 œuvres, parmi lesquelles 614 photographies (dont un album de 550 photographies du photographe polonais Casimir Zagourski intitulé "L'Afrique qui disparaît") ont été réceptionnées, assurées et acquises (contre 3049 l'année précédente). 383 objets ont été reçus cette année en don (contre 2787 en 2019).

Considérées par unité patrimoniale, les acquisitions se sont distribuées de la façon suivante : Photographie : 614 ; Mondialisation historique et contemporaine : 365 ; Océanie : 93 ; Asie : 38 ; Afrique du Nord et Proche Orient : 13 ; Amériques : 4 ; Afrique : 3.

  • Les acquisitions 2020 sont progressivement mises en ligne sur la base de données du musée. Vous pouvez en avoir un aperçu via cette requête : 70.2020.* (à filtrer ensuite si besoin)

Sélection

Quelques acquisitions remarquables en 2020

unité patrimoniale afrique

Prisés des européens à partir des années 1930, les masques des Lwalu ont trouvé un écho dans les formes stylisées ou abstraites produites par les mouvements cubiste, dadaïste, constructiviste, ou encore dans le design Art déco. La construction très géométrique du visage a suscité l’intérêt des collectionneurs de cette époque. Le type mfundo se caractérise par la liaison directe entre l’arête nasale et le front. Cette liaison se poursuit parfois par une crête sagittale évoquant différentes sortes d’oiseaux associées à un visage humain, figurant une entité supra-naturelle. 

Paul Timmermans, qui a étudié ces masques sur le terrain en 1967, les rattache aux initiations masculines en relation avec la chasse et les rites de fertilité. Peu fréquent dans les collections d’institutions muséales (Metropolitan Museum of Art de New York, Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren), ce type de masque à l’esthétique originale vient compléter et enrichir, du point de vue des collections du musée du quai Branly - Jacques Chirac, le répertoire des formes issues du bassin du Congo.

  • République démocratique du Congo
  • Bois, pigments
  • 19e - début 20e siècle
  • H. 30 cm ; L. 20 cm ; P. 18,5 cm
  • Ach. Inv. 70.2019.65.1

Masque mfondo Lwalu

unité patrimoniale Afrique du Nord et Proche-Orient

Le travail du papier mâché verni semble avoir vu le jour au XVe siècle, à Hérat (aujourd’hui en Afghanistan) pour l’ornement des reliures de manuscrits jusqu’alors recouvertes de cuir. Il ne fait guère de doute que ce nouveau type de reliure est né du désir des peintres d’imiter les laques chinoises. Dès le XVIIe siècle, tout une gamme d’objets en papier mâché peint et verni – coffrets, plumiers, étuis à miroir, plateaux – sont produits à Ispahan. Ils sont ornés d’un décor de fleurs et d’oiseaux, de scènes figuratives inspirés du Shâhnâmeh ou du Khamsah de Nizami.  Le répertoire décoratif évolue sous la dynastie des Qajars (1786 à 1925) jusqu’à intégrer des sujets chrétiens inspirés d’images pieuses introduites dès le XVIIe siècle par les confréries religieuses catholiques ou par les marchands des compagnies orientales. 

Le panneau est orné sur sa face externe de deux scènes chrétiennes dans un paysage champêtre. Sur la gauche est représenté le baptême de Jésus. Jean Baptiste, drapé d’un tissu bleu, lui verse de l’eau sur la tête. Au-dessus d’eux, des anges émergent des nuées. Cette scène est sans doute peinte d’après une reproduction du tableau de Pierre Mignard Le Baptême du Christ (1666-1667), conservé à l’Eglise Saint-Jean-au-Marché à Troyes. Sur le côté droit apparaît Marie, vêtue à l’occidentale. À sa droite se tient l’enfant Jésus. Il est représenté comme le dieu hindou Shiva sous la forme du Nataraja, le danseur cosmique.

  • Iran
  • Première moitié du 19e siècle
  • Papier mâché, décor peint et verni
  • H. 30 cm ; L. 47,6 cm
  • Ach. Inv. 70.2020.1.1

Grand panneau aux scènes chrétiennes

Unité patrimoniale Amériques

Grand spécialiste des Andes, l’archéologue suisse Henry Reichlen (1914-2000) partagea sa vie entre l’Amérique du Sud et Paris. Il enrichit les collections nationales françaises de matériels de fouille, de pièces ethnographiques et d’œuvres représentatives de l’art populaire andin. En 2001, sa fille Marie-Hélène Reichlen fit don de près de 450 pièces archéologiques collectées par son père. En 2007, elle offrit ses fonds d’archives et sa collection photographique. 

Le fonds Reichlen constitue un fonds de référence pour les collections Amériques du musée, et plus généralement pour l’archéologie sud-américaine. Un nouveau don est venu l’enrichir en 2020, portant sur un ensemble remarquable de céramiques préhispaniques.

Coupes à décor géométriques, culture Cajamarca

unité patrimoniale asie

En cohérence avec l’effort d’ouverture du musée à l’art contemporain, l’unité patrimoniale Asie a fait l’acquisition d’un ensemble de broderies au fil d’or réalisées par Tiao Somsanith Nithakhong, artiste de Luang Phrabang, ancienne capitale royale du nord du Laos. La pièce la plus importante de cet ensemble est une tenture bouddhique (phra bot) représentant le Bouddha sous une arcature de serpents mythiques. Les phra bot sont traditionnellement offerts aux temples pour être déroulés lors des cérémonies religieuses. Les moines peuvent aussi les emporter lors de leurs retraites en forêt et les utiliser comme images de méditation, en les suspendant à un arbre. 

Descendant de la famille royale de Luang Phrabang, Tiao Somsanith Nithakhong est un artiste complet, engagé dans la conservation des anciens arts de cour lao et du patrimoine de Luang Phrabang. Il enseigne la broderie, le dessin, l’arrangement floral et la restauration de peinture selon les procédés traditionnels. Les objets cultuels réalisés par Tiao Somsanith Nithakhong ont reçu le soutien des autorités religieuses locales et ont donné lieu à des rituels de bénédiction spécifiques en prévision de leur entrée au musée.  

  • Tiao Somsanith Nithakhong (né en 1958)
  • Laos
  • 2016
  • Velours, brocart de Madras, canetille et cordonnet métallique (or, argent, cuivre et bronze), perles de jade et de corail.
  • H. 190 cm ; L. 85 cm
  • Ach. Inv. 70.2020.25.1

Tenture de temple brodée

Unité patrimoniale Mondialisation historique et contemporaine

L’acquisition de vingt-cinq gouaches sur papier, qui constituaient des projets pour des affiches, permet de donner à voir et à penser, à travers les représentations visuelles, les processus de décolonisation de la péninsule indochinoise dans la seconde moitié du 20e siècle. Ces maquettes ont été commandées dans un but idéologique à divers artistes vietnamiens, professionnels ou amateurs. Dans un contexte de guerre, puis de paix, elles ont contribué à diffuser auprès de la population les orientations du gouvernement de la République démocratique du Viet Nâm durant la guerre de 1963 - 1975, puis, à partir de 1975, les orientations du gouvernement de la République socialiste du Viet Nâm. 

L’influence du réalisme socialiste soviétique et chinois se fait sentir dans la construction des images. D’un point de vue plastique, lisibilité de la forme et clarté du message sont privilégiées. Mais chaque artiste donne au sujet une tonalité singulière : ici, la figure inébranlable d’un soldat du Nord Viêt Nam se dresse pour reconstruire les digues détruites par les bombardements américains, appelant chacun à soutenir l’effort de guerre. 

  • Truong Singh
  • Viêt Nam
  • 1967
  • Gouache sur papier
  • H. 1,63 m ; L. 0,69 m
  • Ach. Inv. 70.2020.21.1

« Construisez et réparez les digues contre l’ennemi »

UNITÉ PATRIMONIALE MONDIALISATION HISTORIQUE ET CONTEMPORAINE

Au milieu du 20e siècle, les visages des leaders des indépendances africaines – tel Kwame Nkrumah ou Patrice Lumumba - ont fait leur apparition sur les étoffes de coton imprimées portées sur le continent. Les phénomènes de mondialisation marquent l’histoire des tissus imprimés en Afrique : de l’avènement dans un contexte impérialiste des entreprises hollandaises de wax au XIXe siècle à l’introduction sur le marché africain ces dernières années des firmes chinoises. La production de pagnes commémoratifs privilégie plutôt le fancy, moins onéreux que le wax, mais de moindre qualité. Les usines du continent africain sont ainsi régulièrement sollicitées pour imprimer sur tissu, à l’occasion d’un événement, le portrait photographique d’une personnalité publique, accompagné d’un message, sur fond de motifs imitant ceux des wax. Recherchés et rassemblés au fil des ans par un passionné, 52 coupons de pagne ont été offerts cette année au musée. Ils sont issus de plus d’une dizaine d’États d’Afrique de l’ouest et d’Afrique centrale. Textiles à usage commémoratif, ils sont le miroir social et politique du demi-siècle passé, retraçant campagnes électorales, visites officielles de chefs d’État étrangers, décès de personnalités publiques. Ces étoffes imprimées déroulent une histoire où le pagne se révèle moins une manifestation de prestige social qu’un instrument de communication et d’influence publique.

  • Gabon
  • 1971
  • Impression sur étoffe
  • H. 1,1 m ; L. 1,8 m
  • Don. Inv. 70.2020.33.19

Pagne commémorant la visite au Gabon du Président de la République française

Unité patrimoniale Océanie

Cette statuette particulièrement rare provient de l’archipel des Santa Cruz, dans les îles Salomon. Elle appartient à la catégorie d’œuvres nommées localement munga dukna (ou littéralement images de dieu). L’ethnologue William Davenport en a recensé 55, dont la plupart sont conservées en Grande-Bretagne ou en Nouvelle-Zélande. Ces figures de dieu se confondent avec celles des danseurs parés, ces derniers figurant la présence des dieux quand, réciproquement, la figure du dieu est sculptée à l’image des danseurs. 

Un culte était dédié à ces dieux, sous la forme de prières ou de dons de nourriture. Les sculptures étaient placées sur de petits autels, soit dans les maisons individuelles (mabau), soit dans la maison des hommes (madai). Au-dessus était suspendu un bambou à l'horizontale auquel étaient accrochées des monnaies de plumes. On y associait aussi des crânes d'ancêtres. La figure récemment acquise, remarquable par sa taille et son fini poli et doux, est particulièrement ancienne. Des analyses C14 ont permis de la dater entre le 17ᵉ siècle et le début du 19ᵉ siècle. 

  • Iles Salomon (archipel des Santa Cruz, île de Nendö)
  • Statuette de divinité munga dukna
  • 18e siècle ou début du 19e siècle
  • Bois sculpté et patiné
  • H. 0,42 m
  • Ach. Inv. 70.2020.37.1

Statuette de divinité munga dukna

UNITÉ PATRIMONIALE OCÉANIE

La statuaire de Western Province en Papouasie-Nouvelle-Guinée est particulièrement rare. L’acquisition d’une statuette petite mais d’une qualité de sculpture remarquable constitue un évènement important. 

La pièce a pu être associée à une cérémonie liée à la collecte du sagou, ou plus vraisemblablement à un rituel d’initiation appelé mimia. Durant celui-ci, une petite statuette de ce type était transportée dans la maison des hommes, dubu, et placée sous une natte. Elle était ensuite dévoilée aux jeunes initiés. Cette apparition était rendue spectaculaire par la présence de battements de tambours et de chants. Certains des initiés étaient d’ailleurs si impressionnés qu’ils prenaient la fuite. 

Cette œuvre ancienne a été collectée par Edwin Bentley Savage entre 1886 et 1891. Il la céda ensuite au Pitt Rivers Museum de Farnham, dans le Dorset, en octobre 1894.

  • Papouasie-Nouvelle-Guinée (région de l’embouchure de la rivière Fly, Western Province)
  • Statuette utilisée pour les initiations ou pour la culture du sagou
  • Fin du 19e siècle
  • Bois sculpté 
  • H. 0,27 m
  • Achat. Inv. 70.2020.9.1

Statuette utilisée pour les initiations ou pour la culture du sagou

UNité patrimoniale photographie

L’histoire du portrait photographique en Inde est d’abord et avant tout connue à travers ce qu’en conservent les collections européennes : portraits recomposés dans le studio, à destination des voyageurs Européens, des colons et des élites indiennes ; portraits de cour, puisque la photographie est très vite adoptée par les familles royales pour promouvoir leur image. Plusieurs Maharaja, tel le Maharaja de Jaipur, se passionnent pour le médium et s’y adonnent à la fin du 19ᵉ siècle.  

Toutefois, en Inde, la photographie n’est pas seulement l’apanage des élites. Des studios photographiques tenus par des Indiens pour la population ouvrent d’abord dans les grandes villes, puis dans les agglomérations les plus modestes à partir des années 1880. Cette production permet aujourd’hui de retracer l’histoire des pratiques et des usages populaires de la photographie en Inde. 

Les photographies peintes sont un cas intéressant d’adaptation de la photographie aux usages locaux, associant codes du portrait de studio européen et peinture traditionnelle. La colorisation est caractéristique de la production photographique. Du début de la photographie aux années 1980, la plupart des studios de photographie ont proposé des services de retouche ou de colorisation des tirages. Ces studios ont souvent été actifs durant plusieurs générations. Ils ont fermé pour la plupart dans les années 1980, avec le développement de la photographie couleur, donnant lieu à des destructions importantes d’archives.

  • 1940
  • 28 x 23 cm
  • Ach. Inv. 70.2020.5.15

R. Dagen Studio, Karaikudi

UNITÉ PATRIMONIALE PHOTOGRAPHIE

La photographe Doris Ulmann est issue d’une famille aisée new-yorkaise. Portraitiste reconnue dans les années 1920, elle voyage à partir de 1925 dans le sud des Etats-Unis où elle réalise des reportages sur les populations rurales, dont elle documente les activités artisanales. Elle se consacre également aux Gullah, populations africaines-américaines, descendantes d’esclaves, vivant dans les plaines côtières de Caroline du Sud et aux Sea Islands.

Doris Ulmann s’est tournée vers le sud des Etats-Unis grâce à son amitié avec Julia Peterkin, romancière reconnue originaire de Caroline du Sud. En mai 1929, les deux amies entreprennent plusieurs voyages dans le Sud, puis en 1930 et en 1931. Elles se déplacent en Alabama, en Louisiane, en Caroline du Sud. Ulmann revient à de multiples reprises aux mêmes endroits : Charleston et d’autres villes côtières de Caroline du sud, la plantation de Peterkin Lang Syne, la Nouvelle-Orléans et les plantations Melrose en Louisiane. Certaines images seront reproduites dans le livre Roll, Jordan, Roll, conçu en collaboration avec Julia Peterkin et publié en 1933.

Dans les portraits de Doris Ulmann, l’usage de la lumière et la délicatesse des cadrages restituent la dignité des modèles et révèlent un réel engagement artistique. Elle compte au nombre des photographes sur lesquels la Farm Security Administration s’est appuyée pour documenter la vie de l’Amérique rurale dans les années 1930. Son intérêt personnel pour ces sujets en fait une figure particulièrement intéressante et originale de l’histoire de la photographie.

  • Sans titre [Portrait de deux femmes de la communauté Gullah], 1929-1931
  • Tirage platine
  • 20,2 x 15 cm
  • Ach. Inv. 70.2020.6.1

Doris Ulmann (1882-1934)

20 ans - les acquisitions du musée du quai Branly - Jacques Chirac

20 ans - les acquisitions du musée du quai Branly - Jacques Chirac

En savoir plus