Le chantier des mille constats

Jusqu'au 31 janvier 2022 sur le Plateau des collections

Contenu

À partir d’un recensement effectué en juillet 2020, le Département du patrimoine et des collections a établi qu’environ 1000 objets présentés en vitrines depuis plusieurs années - pour beaucoup chefs-d’œuvre de la collection - nécessitaient la mise à jour des informations relatives à l’évolution de leur état de conservation.

Après un an passé sur le plateau des collections, les équipes du musée ont :

  • produit 1266 constats d’état détaillés
  • récolé 1907 objets
  • réalisé 56 interventions de restaurations directement sur le chantier
  • marqué 174 objets de leur numéro d’inventaire.

 L’objectif est donc atteint et même dépassé !

Toutes les données accumulées pendant le chantier sont maintenant dans la base de donnée interne du musée. Il est l’heure de rédiger le bilan des opérations menées et d’organiser la programmation des futures opérations.

(02/02/2022)

Si des changements muséographiques réguliers renouvellent les thématiques des vitrines du Plateau des collections en protégeant des pièces fragiles ne supportant qu'une courte durée d'exposition, cette étude approfondie de l’état de conservation des œuvres du plateau des collections permet également au musée de mener sa campagne de récolement décennal et de marquage, en parallèle de celle qui est menée en réserves depuis plusieurs années.

En 15 ans, les outils et méthodes d’analyse ont fortement progressé. Ce chantier offre ainsi l’opportunité de mener des études poussées sur les matériaux constitutifs des œuvres via des campagnes d’analyses spécifiques à chaque typologie d’œuvre afin d’identifier très précisément certaines espèces animales, essences végétales ou alliages métalliques. 

 

Méthodologie 

Cette campagne de constats et récolement prend la forme d’un « chantier mobile » au pied des 135 vitrines concernées (sur les 350 du Plateau des collections). Une équipe constituée d’une régisseuse des collections et d’une ou plusieurs restauratrices spécialisées (métal, céramique, textiles, etc.) intervient quotidiennement entre le 15 mars 2021 et la fin janvier 2022.

Plusieurs étapes sont nécessaires à la réalisation de cette mission.

La première étape consiste à délimiter et sécuriser la zone de travail (cloisons mobiles, signalétique, etc.).

Une fois celle-ci réalisée, les objets sont récolés, examinés et photographiés sous toutes leurs faces. Les informations de constat d’état ainsi collectées sont intégrées directement dans la base de données du musée.

Précisions méthodologiques

Il s’agit de réaliser un relevé précis de l’état de conservation de ces œuvres afin notamment de pouvoir à l’avenir juger d’une éventuelle évolution. Sont attendus :

  • Vérifications des matériaux et techniques, des dimensions et du marquage pour transmission à la régisseuse chargée du récolement.
  • Prises de vues de toutes les faces, détails si nécessaire. Les clichés de détail peuvent être pris en lumière directe pour des altérations potentiellement évolutives, des étiquettes ou des inscriptions, ou être réalisés sous éclairage ultraviolet pour la mise en évidence d’anciennes réparations/restitutions ou d’inscriptions visibles uniquement en lumière UV. Une lampe UV à main est mise à disposition des restauratrices.
  • Réalisation d’un constat d’état détaillé sur Conservation Studio©, application de TMS dédiée à la saisie des données de conservation-restauration. Mesures précises des altérations potentiellement évolutives.
  • Si au cours du constat il était relevé une ou des altérations nécessitant une intervention d’urgence (ex : une fente ou un fragment mobile, une écaille de polychromie soulevée…) un kit d’intervention d’urgence est prévu pour permettre aux restauratrices de traiter sur place. Dans ce cas l’intervenante ajoute dans Conservation Studio©, en sus du constat d’état, un rapport d’intervention détaillant le mode opératoire et les matériaux mis en œuvre.

Précisions sur les constats d’état et interventions de restauration

Précisions sur le contenu de la grille de récolement

Dans le cadre du récolement les équipes vérifient si chaque objet est bien marqué de son numéro d’inventaire. Le numéro d’inventaire établit l’identité (toujours unique) d’un objet. Il prouve que l’objet appartient aux collections du musée et il sert de clé d’accès pour toute documentation concernant cet objet. 

Prenons un exemple pour expliquer comment ce numéro est formé au musée : 71.1995.17.3.1-3

  • 71 : préfixe permettant d’identifier de quelle institution vient l’objet, dans le cas présent, le musée de l’homme
  • 1995 : Année d’arrivée dans le musée (millésime)
  • 17 : Numéro de la collection parmi celles acquises en 1995
  • 3 : Numéro de l’objet au sein de la collection
  • 1-3 : subdivision supplémentaire ajoutée lorsque l’objet comporte plusieurs parties

Comme on peut le constater, il ne s’agit pas de chiffres choisis au hasard, le numéro d’inventaire est signifiant et permet la compréhension du contexte historique de l’objet. 

La fonction des numéros d’inventaires

Dans le cadre du récolement, les équipes vérifient le numéro d’inventaire, il se peut que ce dernier soit effacé ou erroné. Dans ce cas le numéro d’inventaire est remarqué selon une méthode toujours réversible et adaptée à la matérialité de l’objet.

On peut inscrire le numéro directement sur l’objet, grâce à une fine couche de résine (paraloïde+ acétone) appliquée au pinceau sur la zone de marquage choisie. C’est sur cette résine sèche que l’on écrit le numéro d’inventaire à l’encre de chine. De cette manière l’encre ne rentre pas en contact direct avec les matériaux constitutifs de l’objet. Il est ensuite lui-même protégé par une seconde couche de vernis.

Une autre technique de marquage consiste à écrire le numéro d’inventaire sur une étiquette de papier japon de la même couleur que celle de l’objet. L’étiquette est ensuite collée sur l’objet avec une colle spécifique.

On peut aussi marquer le numéro sur une étiquette textile cousue à l’objet ou sur un élément rapporté. Tel que préconisé par les normes de conservation-préventive, toutes ces actions sont réversibles.

La particularité d’un marquage réussi est qu’il doit être lisible tout en étant discret !

Marquage

Dans le cadre du récolement et de l’observation des objets nous trouvons parfois d’anciennes étiquettes collées sur les objets.

Ces étiquettes sont très précieuses, elles sont recensées dans un référentiel qui permet d’après leurs tailles, formes et couleurs de déterminer à quelles collections elles sont liées.

Au musée du quai Branly - Jacques Chirac, certains objets proviennent de collections anciennes, telles que l’ancien musée de Marine du Louvre (1829-1938) ou bien encore de l’ancien Musée américain du Louvre (1850-1887).

 

 

étiquettes

Dans le cadre du récolement décennal il est nécessaire de vérifier, entre autres, les dimensions de chaque objet. Tous les objets ont été mesurés lors du premier récolement qui s’est achevé en 2015.

Le chantier des 1000 constats nous permet de récoler les objets pour le second récolement qui se terminera en 2026.  Nous vérifions si les dimensions des objets correspondent aux données enregistrées pendant le premier récolement, si ce n’est pas le cas nous les mettons à jour dans la base de données.

Chaque objet est mesuré selon une norme afin d’être le plus homogène possible, d’abord en hauteur puis en largeur et en profondeur. Les équipes utilisent un mètre ruban ainsi qu’un pied à coulisse pour les plus petits objets, comme les bijoux. 

Récolement et prise de dimensions

Quasiment tous les objets exposés au sein du musée sont soclés.

Le socle est une pièce morphologique adaptée à l’objet qui lui permet de garantir sa sécurité, son maintien et sa stabilité. Les socles du musée sont principalement en métal, recouverts d’une gaine thermo-rétractable qui sert d’interface afin de ne pas abimer l’objet. Ils sont faits sur mesure par des socleurs professionnels en fonction du parti pris scénographique et de la spécificité de l’objet.

Tous les objets du musée doivent être désoclables pour permettre leur étude si besoin. Dans le cadre du chantier les équipes retirent chaque objet de leur socle pour le constater. A chaque fin d’opération le régisseur est en charge de resocler l’objet et de s’assurer de sa stabilité en vitrine. 

Certains socles historiques en bois sont conservés car témoins de l’histoire et du parcours des œuvres. Ils peuvent être eux-mêmes des pièces d’ébénisterie d’art tels que ceux réalisés par Kichizo Inagaki (1876-1951) ébéniste japonais qui était l’un des plus grands maîtres socleurs de son époque. 

Les socles

Lors de la manipulation des objets, les régisseurs et restaurateurs portent des gants en nitrile, polymère de synthèse aux caractéristiques similaires à celles du latex mais sans risque d’allergies.

Leur souplesse et leur fine épaisseur permettent un travail de précision ainsi qu’une bonne préhension tout en protégeant l’œuvre de l’acidité des mains. Les gants permettent également de protéger l’agent des éventuels produits dangereux présents sur l’objet.

Dans certains cas particulier le port des gants n’est pas recommandé, notamment pour manipuler les céramiques très glissantes. 

 

Le port de gants

Il y a presque autant de métiers de régisseur que de régisseurs.

Au musée du quai Branly - Jacques Chirac existent plusieurs types de régie:

  • la régie des collections,
  • la régie des prêts et dépôts
  • et la régie des expositions.

Dans le cadre du chantier des mille constats, le chantier est suivi par une régisseuse des collections. Cette personne est en charge du mouvement des œuvres et doit s’assurer que toutes les opérations sont réalisées dans les meilleures conditions de conservation pour les objets. Le régisseur est donc sur le terrain, mais participe également à l’organisation des opérations en réalisant les plannings, les protocoles de manipulations, les commandes de matériels ou encore la venue de spécialistes pour étudier les collections. 

Le métier de régisseur

Le chantier des mille constats est un chantier de collections qui présente la particularité d’être « mobile ».

Plutôt que de créer une chaîne opératoire classique à travers laquelle passeraient les objets à traiter, ce sont les équipes qui se déplacent de vitrine en vitrine.

Cela implique une organisation spécifique avec du matériel adapté aux déplacements, ainsi que des postes de travail roulants qui peuvent être installés entre deux vitrines. Etant donné que le chantier se tient sur le Plateau des Collections, des panneaux de protection transparents sécurisent la zone de travail tout en laissant le chantier visible du public. 

Un chantier mobile

Le constat d'état permet de décrire l'état d’un objet : le type d’altérations qu’il présente, leur nature, leur localisation et leur étendue.

Accompagné de photographies, le constat d’état reflète l'état de cet objet à une date donnée. Lors d'évaluations ultérieures, il permet alors de comparer et de vérifier l'évolution des altérations.

Il permet également d'établir une proposition de traitement si nécessaire et de définir des conditions environnementales adaptées lors de la mise en présentation de l’objet ou de son stockage en réserve. 

Constats d’état

Il s’agit d’une obligation réglementaire qui nécessite de vérifier la localisation et l’état des collections tous les 10 ans. Le second récolement s’achèvera en 2026 et concerne plus de 384 000 objets. 
Ce chantier est un formidable exemple de transversalité mobilisant presque tout le Département du Patrimoine et des Collections*.

En effet, le récolement ne se limite pas à considérer l’état d’un bien et sa localisation, comme le ferait un inventaire dans un magasin. Il nous permet d’enrichir la documentation des collections avec de nouvelles informations relevées sur les objets, de refaire des marquages, de réassocier des « familles » en regroupant des éléments d’objets dispersés, d’enquêter et de réattribuer à des objets leur collection d’origine, de repérer les besoins en restaurations, de reprendre des photos et parfois de retrouver des objets qui étaient jusqu’à présent considérés comme manquants.

Des équipes de prestataires procèdent au récolement des œuvres dans les réserves et certaines campagnes, comme les nouvelles acquisitions ou le récolement du plateau des collections, sont faites par des agents du musée.
*(les Unités Patrimoniales, l’Iconothèque, le pôle régie des collections, le pôle conservation-restauration et le pôle inventaire, en charge du pilotage de ces opérations)

Récolement décennal

La spectroscopie de fluorescence des rayons X (X-ray fluorescence spectroscopy, XRF en anglais) est une technique d’analyse élémentaire, autrement dit qui permet d’identifier les éléments chimiques présents dans le volume sondé.

Cette technique permet de détecter les éléments plus lourd que le sodium (Na) : il est donc impossible de caractériser des matériaux organiques, mais les objets en métal ou en céramique, ou encore les peintures sont d’excellents candidats.

Le volume sondé correspond au « volume d’interaction » qui n’est pas le même en fonction des matériaux et des éléments chimiques présents : plus les éléments sont lourds, plus l’analyse est superficielle. L’analyse au musée se fera à l’aide d’un spectromètre potable Tracer 5i (Bruker, voir photo).

Elle est totalement non-invasive et rapide à mettre en œuvre, les résultats sont obtenus en quelques dizaines de secondes. Les mesures effectuées dans le cadre du chantier des 1000 ne seront pas quantitatives.

XRF

La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, dite CITES (ou Convention de Washington) a pour objectif de garantir que le commerce international des espèces protégées, ainsi que des parties et produits qui en sont issus, ne nuit pas à la conservation de la biodiversité et repose sur une utilisation durable des espèces sauvages.

Le transport et l’exposition d’objets et d’œuvres d’art constitués de matériaux issus de ces espèces nécessitent donc l’obtention d’un certificat CITES auprès des autorités compétentes (en France, le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire) qui garantit que la fabrication de l’œuvre ait été réalisée, soit avant l’entrée en vigueur de cette réglementation internationale, soit dans le respect des espèces concernées. Au musée du quai Branly – Jacques Chirac, ce sont donc une trentaine de certificats qui sont demandés chaque année dans le cadre de sa politique de prêts et d’expositions.

CITES

Le chantier en images

Reflet du chantier mobile des 1000 constats au pied de la vitrine AF104 le 7 avril 2021

© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Julien Brachhammer