Une enquête photographique sur l’impact écologique de la modernisation du Brésil
résidences photographiques 2020
Entre les années 1890 et 1930, le Brésil va connaître une transformation majeure de son territoire. Dans un élan modernisateur et nationaliste, impulsé par les idées positivistes venant d’Occident, l’État-nation brésilien confie au Maréchal Rondon la direction des « Comissão de Linhas Telegráficas » et « Comissão de Inspeção de Fronteiras ». Ces deux missions vont profondément bouleverser des régions qui étaient jusque-là de véritables terra incognita.
C’est sur les archives de ces deux expéditions, conservées au musée militaire du Forte de Copacabana que Emilio De Azevedo a débuté des recherches en octobre 2019. Sa nomination en tant que lauréat 2020 des Résidences photographiques est l’occasion de poursuivre ses recherches dans les archives des expéditions Rondo au Brésil et au sein même des collections du musée du quai Branly- Jacques Chirac, dépositaire d’un fond photographique de ces expéditions.
Loin de céder à la fascination nostalgique des vieilles images, l’objectif du photographe est de composer un corpus qui viendra alimenter un récit en marge de l’histoire officielle et qui donnera le hors-champ de cette modernisation, tout comme l’ensemble des photographies historiques écartées des archives officielles des expéditions Rondon pour leurs contenus jugés de mauvais goût ou même de racisme et que l’artiste a eu l’occasion de photographier lors de ses recherches en 2019. Un point de départ pour raconter autrement l’expérience de cette aventure glorifiée par l’historiographie nationale brésilienne.
Et c’est précisément à partir du hors champs historique de ces images exclues que Emilio De Azevedo souhaite poursuivre son projet d’investigation sur le terrain. Cette phase de son travail sera l’occasion de recenser les architectures, paysages et formes de vie ayant subsisté aux impératifs d’ordre et de progrès de la mission Rondon. Avec les photographies, documents topographiques et inventaires scientifiques de l’expédition en guise de principal itinéraire, le photographe prévoit de parcourir les états du Mato Grosso et Rondonia, la région Norte et les états de Roraima et Amapa à la recherche des traces de mutation du territoire brésilien.
"Tout l’enjeu de mon travail sera donc de donner à voir autrement ce territoire et les modes de vies qui le composent en faisant de la place aux réalités les plus discrètes, de sorte que mon récit intègrera non seulement la voix des amérindiens, mais aussi celle des non-humains, des microbes, des animaux, de l’eau, de la terre. L’écriture photographique que j’adopterai devra être capable de donner densité, intensité et présence à ce qui dans les images du Maréchal Rondon est resté « inaudible », oublié, inaperçu, hors champs, anecdotique."