Coupe rituelle
Objet
- Classification : Objet
- Nom vernaculaire : Kapala (en sanskrit), t'od-k'rag (en tibétain)
- Géographie : Asie – Asie orientale – Chine – Nei Mongol (région autonome)
- Culture : Asie – Mongol Tchakhar
- Date : Fin du 19e - début du 20e siècle
- Matériaux et techniques : Laiton
- Dimensions et poids : 10 x 8 x 7 cm, 77 g
- Donateur : Nationalmuseet (Danemark) ;
- Mission : Otto Henry Baerentzen ; Précédente collection : Musée de l'Homme (Asie) ; Mission : Henning Haslund-Christensen ;
- Exposé : Non
- Numéro d'inventaire : 71.1946.42.129.1-3
Description
Coupe rituelle en laiton composée de trois parties : -un "petit récipient" (2) presqu'hémisphérique qui correspond à la coupe constituée par une calotte crânienne, sans aucune décoration ; traces de vert-de-gris. - le "couvercle" de ce récipient, (1) de la même forme, qui le coiffe entièrement, percé d'un trou en son sommet (trou du "Pho-wa"). Il présente un décor repoussé très élaboré : deux foudres rituelles ("dorjé" en tibétain, "vajra" en sanskrit) entrecroisées, s'étalent sur le sommet du dôme, autour du trou du "pho-wa", aux quatre points cardinaux, entouré d'un décor de nuages et de divers motifs dont une fleur de lotus. - un "socle" triangulaire en laiton moulé, repoussé, ciselé et ajouré dont les trois angles sont décorés de trois petites têtes de mort entre lesquelles s'épanouit un décor de flammes. On remarque également sur le socle un décor évoquant le motif "narines de chien" et celui du trône composé d'une fleur de lotus épanoui.
Usage
Objet rituel du lamaïsme tibétain dont la fonction, la forme et le symbolisme sont les mêmes que ceux des coupes faites d'une calotte crânienne. A remarquer que la forme même n'est pas tout à fait hémishèrique mais évoquerait ce que l'on peut appeler un coeur. Cette forme rappelle en même temps celle des véritables calottes crâniennes au frontal bas et allongé à l'occipital élevé et dont la retombée est abrupte. La fabrication de ces "Kapala" de laiton a remplacé celle des authentiques coupes crâniennes depuis la fin du XIXème s. Offrir un "kapala" (= coupe = crâne en skt à Amithaba devint un acte pieux qui attirait la bénédiction de la divinité sur le donateur. Plus tard, le crâne humain serait devenu réceptacle de boissons offerte aux dieux, d'abord sang ou "amrita", puis eau de safran ou vin. Historiquement on trouve l'utilisation d'un crâne comme coupe associée aux pratiques des serments. "La valeur rituelle du sang", écrit Lalou, "s'affirme dans la procédure des serments solennels. Dans un traité sino-tibétain (783) mentionné également par Stein, le sang de trois victimes animales fut mélangé et l'on s'en frotta les lèvres. Ces animaux remplacent les victimes humaines et le sang qui marque les lèvres est un rappel des sanglantes beuveries dans des coupes faites d'une calotte crânienne". On voit également apparaître l'emploi du "kapala" dans la vie de Ma Gcig comme accessoire nécessaire à une guérison magique. Aujourd'hui, l'utilisation de ces coupes dans les rites lamaïstes est importante ; dans les monastères cet objet figure sur l'autel, posé le plus souvent sur un support à 3 pieds (cf. 46. 42. 129). Il est utilisé dans bon nombre de cérémonies, par exemple celle du "banquet offert à l'assemblée de tous les dieux et de tous les démons". Le "kapala" est aussi l'un des attributs des moines errants ou des mystiques qui l'utilisent également au cours de leurs rites (cf. Tchoed). Le mode d'utilisation de ces coupes crâniennes n'est transmis par les gourous à leurs chelas qu'au fur et à mesure d'une longue initiation. Le choix des crânes humains comme objets de culte est régi par un certain nombre de lois qui sont consignées dans la traduction tibétaine d'un livre indien. 1.- la personnalité de celui auquel le crâne a appartenu rendre en ligne de compte. On attache ainsi beaucoup de prix, par exemple, à la sainteté, à l'érudition, à un rang social élevé ou à la sagesse. Il est à remarquer qu'à cet égard le choix de crânes devant servir à la confection des damaru est basé sur des critères différents. 2.- la couleur : le blanc et l'or sont les plus appréciées. L'un des crânes de la collection du Musée a été distingué par un visiteur tibétain pour être un "bon crâne", portant fortune à son propriétaire, du fait de sa couleur verte. 3. - la morphologie générale : on tient compte de l'épaisseur des parois, de l'absence de sutures (vieillard ?) ; des nervures internes que les tibétains appellent "arbres" ; des cavités diverses qu'ils appellent "fruits" ou "fleurs" ainsi que des trous au niveau du sinciput liés au "pho-wa", rite funéraire : le premier soin d'un lama assistant un mourant est de s'efforcer d'empêcher ce dernier de s'endormir, de s'évanouir ou de tomber dans le coma ; le lama lui signale les départs successifs des différentes "consciences" qui animaient les sens : celle de l'oeil, du nez, de la langue ; dans le corps, maintenant insensible, la pensée doit demeurer active et attentive au phénomène qui se produit : il s'agit de faire jaillir le "rnam-ces" hors de son enveloppe par le sommet du crâne car, s'il s'évadait par une autre voie son bien-être futur se trouverait gravement compromis ; le lama se recueille profondément, s'identifie avec celui qui expire et fait l'effort qu'aurait dû faire ce dernier pour provoquer l'ascension de "l'esprit""rnam-ces" avec une violence telle qu'il provoque la fissure nécessaire pour lui livrer passage. Les trous du sinciput attestent que le rite du "pho wa" s'est accompli avec succès. On tient compte aussi, dans la sélection des calottes crâniennes des saillies que font les parois au niveau de la séparation des deux hémisphères. Enfin des qualités physiques, utilisées au cours de rites tantriques entrent également en considération. Le crâne 46. 42. 133, par exemple, est considéré comme un excellent "kapala" parce que, lorsqu'on le fait tourner sur lui-même comme une toupie le frontal vient chaque fois s'arrêter devant l'opérateur. Une "crâniologie" religieuse s'est ainsi établie qui permet non seulement de sélectionner les crânes mais aussi d'analyser leur forme et de déterminer la "fortune" de celui auquel il a appartenu. D'après Pott, la fabrication des "Kapala" ne se fait plus depuis la fin du XIXème s. , si ce n'est pour les touristes. On leur a substitué, peu à peu, des "kapala" de laiton. (cf. 46. 42. 129). Dans l'iconographie tibétaine, le "kapala", apparaît fréquemment comme l'un des attributs de divinités très différentes : Mahasiddhas, Dakinis, Padmasambhava, Amithaba, Tekou, Tchitipatis etc .