Corsage
Textile ou vêtement
- Classification : Textile ou vêtement
- Nom vernaculaire : tayemlab[a][a]" en Huastèque
- Géographie : Amérique – Amérique du Nord – Mexique – San Luis Potosí (état) – Tanlajas (municipio) – Coromohom (Tocoymohom) ; Amérique – Amérique du Nord – Mexique – Huaxtèque (région)
- Culture : Amérique – Huastèque
- Date : 1930-1938
- Matériaux et techniques : Coton filé au fuseau, tissé au métier horizontal suspendu, puis brodé au point de croix avec de fils de coton coloré.
- Dimensions et poids : 65 x 77,5 x 0,1 cm, 164 g
- Mission : Guy Stresser-Péan ; Précédente collection : Musée de l'Homme (Amérique) ;
- Exposé : Non
- Numéro d'inventaire : 71.1938.164.298
Description
Matières: Coton blanc, "algodon", "kwinim" provenant des cultures indigènes. Fil rouge ou orange acheté au commerce européen. Technique: Le coton a été filé au fuseau, puis tissé au métier horizontal suspendu, de façon à obtenir 2 pièces rectangulaires d'environ 66 X 38 cms. L'un des petits côtés de chacun de ces rectangles est alors cousu à une partie d'un des grands bords de l'autre. Ces coutures sont exécutées avec du fil blanc, mais recouvertes d'une fausse couture en fils de couleurs. L'étoffe blanche de ce vêtement est ornée de broderies tucè[a] (dessins), exécutées essentiellement au point de croix avec des fils de coton rouge ou orange. Forme. Ce vêtement ne peut être étalé à plat qu'une fois plié en double. Il présente alors la forme d'un carré d'environ 52 cms de côté mais à l'un des angles duquel manque un petit carré d'étoffe d'environ 14 cms de côté (moitié de la différence entre la longueur et la largeur de chacun des 2 grands rectangles de tissu). Ce petit carré manquant se trouve à ; à la partie supérieure du vêtement : il représente l'ouverture par laquelle passe la tête de la femme. Le quesquemel ici décrit est petit avec une ouverture moyennement grande. De chaque côté de l'ouverture, la partie destinée à couvrir les épaules est appelée "pu nuklek[a]" (épaule). La pointe pendante, à l'opposé de l'ouverture, est appelée cum[a] (pointe). Les bords entre la pointe et les épaules, sont appelés "wal" (bords). Enfin le centre entre l'ouverture et la pointe est appelé "cukul[a]" (estomac). Décoration. La couture des 2 pièces d'étoffe est recouverte d'une fausse couture qui est une broderie au point lancé, formée de fils s'entrecroisant sur une largeur d'environ 3 mm. Cette fausse couture est alternativement rouge et orange et change tous les 3 cms environ. L'ouverture pour le cou est ornée d'une sorte de broderie aui point lancé, dont la couleur alternativement rouge et orange change tous les 3 cms environ. Cette broderie est formée d'une bande surmontée de petits triangles dont le sommet est au bord de l'étoffe. Ce motif porte le nom de "sutun-tel[a][a]", ce qui signifie "oreilles de souris". Sur chaque épaule court une ligne de broderie au point de croix appelée "punuklek[a] "(épaule). Le motif est une ligne en zigzag avec une fleur wit, à l'intérieur de chaque angle rentrant. Les autres broderies sont, sur l'une des faces: a) au centre un motif rayonnant appelé "soleil" "akica'[a][a]" ou "fleur soleil"" kica'- wit[a][a]" ; b) en pointe un motif losangique appelé "fleur" "wit", sorte de croix à 3 traverses, la traverse centrale étant chargée de 3 petites étoiles à 8 pointes ; c) sur l'un des côtés, une sorte de bouquet de 7 ou 8 fleurs ("wit") ; d)sur l'autre côté, un bouquet de 7 fleurs wit et un cerf ou chevreuil "'itámal[a"]. Sur L'autre face, on trouve: 1°) non loin du centre un jaguar "p'atum[a]" ; 2°) en pointe un motif losangique appelé "fleur" "wit", croix à trois traverses comme ci-dessus ; 3°) que l'un des côtés une sorte de bouquet de 7 fleurs wit et un dindon palát[a][a] avec un autre dindon plus petit brodé au milieu du corps.
Usage
Fabrication. Le quesquemel, comme tous les vêtements tissés est fabriqué exclusivement par les femmes (sauf toutefois pour ce qui est de la culture du coton qui est un travail agricole, donc masculin) . Jadis chaque femme filait, tissait et brodait son propre quesquemel. Toutefois, on pouvait recourir à des spécialistes, surtout en matière de broderie. - Actuellement, les femmes Huastèques ont abandonné le tissage et font des quesquemels avec de la cotonnade industrielle, achetée au marché. L'exemplaire ici décrit a été tissé à El May (M. de Tanlajas) par une des dernières tisseuses Huastèques. Vendu à Tanlajas, il a été brodé dans un "barrio" voisin appelé Tres-Cruces oslam-krus. Usage. Le quesquemel est un vêtement exclusivement féminin. Il se porte comme un poncho : on passe la tête par l'ouverture, et l'étoffe recouvre les épaules, la poitrine et le dos. Les pointes doivent retomber en avant et en arrière, de façon que les bras restent relativement dégagés. Naguère, les femmes Huastèques avaient le torse nu sous le quesquemel. Elles ne mettaient d'ailleurs ce vêtement que pour aller aux marchés ou aux fêtes, et elles vaquaient aux travaux domestiques avec le buste entièrement découvert. Un quesquemel bien brodé était un objet de luxe, que chaque femme recevait en général comme cadeau de mariage, qu'elle gardait précieusement, et avec lequel elle se faisait enterrer. Actuellement, les femmes se sont mises à porter un corsage sous le quesquemel, et, pour beaucoup d'entre elles, un corsage en étoffe à ramages est devenu plus précieux qu'un quesquemel bien brodé. On utilise sans ménagements les quesquemels usagés ou non brodés, notamment en les mettant en écharpe, et en passant un bras (ou un bras et la tête) par l'ouverture. Un quesquemel plié en 8, de façon à ne plus former qu'un petit carré, peut être porté sur le sommet de la tête, comme une coiffe "puclab[a][a]". Enfin, aux environs d'Aquismon les femmes portent souvent le quesquemel comme un voile, un des bords étant posé sur le dessus de la tête, et la plus grande partie du vêtement pendant dans le dos : il y a là une imitation du "rebozo" des métisses. Aire d'usage. Les femmes Huastèques ne font plus usage du quesquemel que dans les municipios suivants : Aquismon (au sud de Tampemoche), Tancanhuit (au sud de Palmira), Huehuetlan, San-Antonio, Tanlajas et Tampamolon. Ailleurs, notamment, parmi les Huastèques de l,'Etat de Veracruz, le quesquemel a été remplacé par un corsage de coupe européenne. Le quesquemel ne se rencontre qu'au Mexique, où actuellement il est employé par les peuples suivants : Huichols, Otomis, Huastèques, Totomaques, Tepehuas, Nahuatls (ces derniers seulement dans le sud de la Huasteca et dans la région de Huanchinango). Ce vêtement est ignoré dans le sud du Mexique où les femmes gardent le torse nu, ou bien emploient une sorte de robe- sac appelée "huipil". Typologie. On peut distinguer avec Soustelle 2 types de quesquemels : 1°) l'un petit avec une large ouverture (cas du présent objet) donc fait de pièces d'étoffe allongées ; 2°) l'autre ample, avec une petite ouverture donc fait de grandes pièces d'étoffe, presque aussi larges que longues. En pays Huastèque, on peut rencontrer dans une même localité des quesquemels de toutes les tailles. Les plus amples sont appréciés par temps froid, et étaient naguère considérés comme plus luxueux, parce que le coton était cher, et devait être laborieusement filé et tissé. Les femmes Huastèques reconnaissent la provenance des quesquemels des vilages voisins à des détails d'ornementation. L'exemplaire ici décrit est typique de la région des environs de Tanlajas : 1°) par le fait que ses broderies sont en fils fins, rouges et oranges ; 2°) par le type des broderies du soleil, du cerf et du jaguar, qu'on ne rencontre que là sous cette forme. Idéologie. Il semble bien que le quesquemel brodé des Huastèques symbolise la voûte céleste. Sur la face principale de l'exemplaire ici décrit, on voit au centre le Soleil, entouré de chaque côté par divers motifs stellaires, qui représentent d'une part les étoiles du Nord, et d'autre part les étoiles du Sud. - Les motifs floraux symbolisent sûrement les étoiles qui sont appelées par les Huastèques les "fleurs du ciel" "witil[a] an Kai tal[a][a]". D'ailleurs, les bouquets ont en général 7 fleurs : or les constellations que reconnaissent les Huastèques sont censées être formées de 7 étoiles. Les motifs floraux losangiques des pointes de ce quesquemel représentent peut- être les Pléiades qui sont parfois représentées par un motif losangique tressé en vannerie. Les animaux brodés parmi les fleurs ont aussi un symbolisme stellaire. Cela est certain, en tous cas, du jaguar (à cause de sa peau tachetée), et du cerf (qui naît aussi tacheté) . Il semble que le jaguar soit un symbole de l'étoile du matin. Quant au cerf c'est un symbole des étoiles en général qui forment le gibier sacrifié par l'étoile du matin et par le soleil levant. Le dindon, et en particulier le dindon ocellé, semble bien être un symbole du ciel nocturne, entièrement noir ou moucheté d'étoiles.